Le phénomène de l’inachevé (l’incompiuto) se retrouve aussi dans les constructions des particuliers. Le paysage calabrais est jalonné de façades sans enduit, de piliers de béton aux armatures métalliques apparentes et d’étages ouverts au quatre vents. Dans une région où les solidarités familiales sont restées fortes, on ne termine pas les constructions pour des motifs économiques mais peut être aussi philosophiques. Chaque génération pose une partie des pierres avec l’idée que la génération suivante fera sa part.
La Calabre est souvent représentée de manière stigmatisante dans des discours où les incompiuti symbolisent l’emprise mafieuse sur le territoire, l’incompétence administrative et l’incapacité de l’état à réguler les constructions illégales. Sans nier ces difficultés, on peut aussi prendre ces constructions comme les témoins silencieux d’un paysage culturel et philosophique qui a beaucoup à dire, un paysage beaucoup plus proche de la méditerranée que de Milan.
² Incompituo, la nascita di uno stile, Alterazioni Vidéo, Fosbury Architecture, 2018.