Chute libre

Entre Octobre 2018 et avril 2019 j’ai photographié les habitant·es du Babanne dans leur quotidien. 

Le Babanne c’est un peu cette personne qui tombe d’un immeuble de 50 étages. Celle qui se répète au fur et à mesure de sa chute, pour se rassurer « jusqu’ici tout va bien… jusqu’ici tout va bien… jusqu’ici tout va bien… ». Cette personne est jeune mais vieille en même temps. Elle est mariée, divorcée et célibataire. Elle a une vie sexuelle épanouie et timide, elle se cherche et s’assume pleinement. Elle a plein de diplômes et ne sait pas lire. Elle est de nationalité française sans papiers. Elle travaille, touche le RSA, n’a pas le droit de travailler légalement. Elle a choisi de venir ici et en même temps elle a pas le choix, c’est ça où la rue. Ses parents sont dans la même galère et sont vétérinaires, psychologues, artistes, dépressifs, ouvriers. Elle a grandit dans l’amour et la violence. Elle est enfant de riches et de pauvres. Elle s’organise tant bien que mal et co-habite avec les autres même si au fond, c’est plutôt le Babanne qui habite ses habitant·es. Chacun·e se répète pour se rassurer « jusqu’ici tout va bien… jusqu’ici tout va bien… jusqu’ici tout va bien… » Mais tout le monde sait très bien que l’important c’est pas la chute. Un jour où l’autre la police frappe la porte pour expulser : c’est l’atterrissage.