Au XIXe siècle, le quartier Tarentaize-Beaubrun constitue un point de chute et de ralliement pour les mineur·es venu·es de Haute-Loire et d’Ardèche. Plus tard au XXe siècle, il le sera pour les travailleurs et travailleuses arrivant de Pologne, d’Italie, d’Algérie et du Maroc. Ce quartier d’accueil où 48 % des habitant·es vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté est situé au centre de la ville, juxtaposant l’hyper-centre. La frontière est à la fois poreuse et radicale entre ces deux espaces.

En 2014, le journal « Le Monde » a choisi le quartier pour illustrer un article sur le phénomène des centres-villes pauvres en France. En mars 2023, le média d’extrême droite « Valeurs Actuelles » relayait une vision du quartier qui faisait l’amalgame entre pauvreté, islamisation et insécurité. Ces représentations participent à la stigmatisation du quartier et de ces habitant·es. Eric, agent immobilier stéphanois constate la réticence de certain·es de ces client·es à venir s’installer dans cette partie de la ville. « Ils et elles le disent à mots couverts ». L’association Terrain d’Entente, qui travaille depuis 2011 avec les enfants et les familles du quartier pointe ce phénomène de stigmatisation. « Nous nous retrouvons au coeur de ce que ce système produit de plus violent : le déni d’une frange entière de sa population ».

Pour faire face à ces réalités, les habitant·es ont su mettre en place des réseaux de solidarité et d’entre-aide solides. Josiane Gunther, présidente de Terrain d’Entente, observe la capacité de mobilisation de nombreuses mères de familles. « De nombreuses femmes ont su, tout au long de ces années, poursuivre les efforts dans la durée, en espérant chaque fois, assurer des services aux habitant·es. Toutes vivent avec des revenus insuffisants, beaucoup d’entre elles ont recours aux colis alimentaires de manière régulière. Elles acceptent malgré tout d’assurer gratuitement ces différentes initiatives. Plus que de leur dire simplement “merci”, mettons en évidence les capacités inouïes de ces femmes qui sont le moteur des actions susceptibles d’enrichir notre quotidien. »

Je m’intéresse au lien entre le territoire et ces habitant·es, à la manière dont l’espace géographique est vecteur de construction identitaire. Cette série forme le deuxième cycle d’un travail démarré en septembre 2022. Dans le premier volet, je m’intéressais aux représentions masculines. Dans ce second cycle, je me suis focalisé sur les « moins de 25 ans ».

Dans le quartier, les enfants, les adolescent·es et les jeunes adultes sont plus nombreux et nombreuses que dans le reste de la ville. Les jeunes représentent 40 % de la population (contre 30 % dans l’ensemble de la métropole). Pour réaliser ce travail, j’ai rencontré des « mamans ambassadrices » dont la mission est de favoriser le lien entre l’école et les familles. Ces échanges m’ont donné une autre lecture du quartier, plus éloignée des représentations stigmatisantes. Sans pour autant nier les réalités socio-économiques, présentes en toile de fond, j’ai décidé de poursuivre un travail de représentation sensible et subjective du quartier.